samedi 21 décembre 2013

When vision has become reality, what's the next vision?

20 years from now, Al Gore talked about the information highways and the actions that the State was going to take to ensure their fast, sustainable and fair development.



(...) The new information marketplace based on these highways include four major components:
  • First, owners of the highways -- because unlike the interstates, the information highways will be built, paid for and funded by the private sector;
  • Second, makers of information appliances, like televisions, telephones and computers, and new products of the future that will combine the features of all three;
  • Third, information providers -- local broadcasters, digital libraries, information service providers, and millions of individuals who will have information they want to share or sell; ...and most important,
  • Fourth, information customers, justly demanding privacy, affordability and choice.
At some time in the next decades we'll think about the information marketplace in terms of these four components. We won't talk about cable or telephones or cellular or wireless because there will be free and open competition between everyone who provides and delivers information.
This Administration intends to create an environment that stimulates a private system of free-flowing information conduits.
It will involve a variety of affordable and innovative appliances and products giving individuals and public institutions the best possible opportunity to be both information customers and providers.
Anyone who wants to form a business to deliver information will have the means of reaching customers. And any person who wants information will be able to choose among competing information providers, at reasonable prices.
That's what the future will look like -- say, in ten or fifteen years. But how do we get from here to there?
This is the key question for the government. (...)

The full text is available on: http://www.ibiblio.org/nii/goremarks.html#

Now that we're close to enter 2014, it's fantastic to see everyday how this 20 years old strategy has been converted into daily reality. Much faster than we all expected, and so global in every way: geographies, people and communities, businesses, ideas, politics, services, communication, and technologies of course.
The faster (r)evolution ever seen and ever lived by people.

I suggest that we step back for a moment and have a look at what Al Gore presented to the National Press Club on Dec, 21st 1993. Then close our eyes and try to think forward. Beyond the "coming next" social network or the next buzzy trend, what would you believe should be our collective effort and investment to move forward our online world for the next 20 years?

vendredi 8 novembre 2013

Recrutement et carrières dans le Digital

J'assistais mardi 5 novembre à la table ronde organisée par le Club Digital sur le thème "Recrutement et carrière dans le digital : les clés du succès". Un sujet qui a attiré du monde.

Voici quelques point que j'ai notés au cours des discussions.



La table ronde, animée par Sourisack Bounpieng et Pierre Guimard pour le Club Digital, réunissait:

  • Sylvie Chauvin - DRH Cadremploi
  • Pierre Cannet - Président Fondateur Blue Search
  • Emeline Bourgoin - DRH DailyMotion
  • Olivier Fecherolle - Dir Stratégie et développement Viadeo
  • Céline Gallet - DRH Van Cleef & Arpels
  • Sylvie Joseph - Dir des programmes de transformation Digitale, La Poste
Beaucoup de monde, preuve d'un haut niveau d'attente et de questionnement des entreprises face aux métiers du digital, aux profils susceptibles d'y répondre, aux niveaux de rémunération, à l'évolution des carrières et aux spécificités de management qui y son liées.

La présence de profils très différents, entre spécialistes recrutement (Cadremploi, Blue Search), Pure players (Viadeo ou Daily Motion) et entreprises plus traditionnelles (Van Cleef ou La Poste), a mis en avant la diversité des problématiques: il n'y a pas de "one size fits all". Et c'est là que la transformation digitale de l'entreprise, notamment côté RH, prend tout son intérêt.

Recrutement
Constat partagé par tous les intervenants, la relation recruteur/prospect a considérablement évolué.
  • Par l'accélération et la fluidification du processus de conquête (en vue recruteur) via la multiplication des canaux de communication et la visibilité des profils (réseaux sociaux, blogs, sites d'emploi, cvthèques...). 
  • Par le rééquilibrage de la relation employeur/prospect. Notamment parce que l'employeur fait désormais face à une obligation de transparence (cf eRéputation), renforcée dans le marché "pénurique" qu'est le recrutement de profils digitaux.Car il y a pénurie de profils comme le souligne Sylvie Chauvin. Le développement de nouvelles formations spécialisées s'accélère (cf 42, Sup'Internet...) mais les formations traditionnelles (écoles de commerce, d'ingénieur, d'informatique) ne se sont pas encore adaptées. Aujourd’hui nous sommes dans une phase intermédiaire où la demande reste plus forte que l'offre sur des métiers dont la technicité évolue en plus chaque jour. A l'entreprise de se montrer encore plus attractive. rémunération, bien sûr, mais aussi enjeux, culture, moyens et méthodes de travail, etc. Et cette attractivité doit se voir sur les réseaux (connue, partagée, commentée...).
Autre constat partagé, l'enjeu du recrutement digital se situe à deux niveaux: la définition précise du besoin, en amont, et la pertinence du recrutement sur la durée, en aval.
  • Sur le besoin, Pierre Cannet fait remarquer que le métier de recruteur digital devient de plus en plus un métier de conseil RH, travaillant avec l'entreprise sur sa stratégie digitale, réfléchissant sur son organisation, car il n'y a pas de réponse toute faite sur un besoin de recrutement digital. En période de transformation, cette étape amont de qualification est critique.
    Il aurait été intéressant de passer plus de temps sur cette discussion. La transformation digitale passe par la définition d'objectifs et de moyens. Que va-t-on internaliser, externaliser, et sous quelle forme (agences, sociétés de services, centres de services, prestataires sur site ou hors site) ? Une réflexion bien différente suivant la phase de transformation (étude, pilote, industrialisation, déploiement), le métier, les enjeux, la taille et l'organisation de l'entreprise.
  • Sur la pertinence dans la durée : puisque le Digital évolue chaque jour, puisque les métiers évoluent au même rythme, puisque la transformation digitale est un processus constant, il est clair que la compétence technique d'un candidat aujourd'hui n'est pas un critère de pertinence suffisant. Cette compétence sera peut-être dépassée ou inutile dans 18 mois.
Du coup, qui recruter? Quel profil retenir? Là aussi, le consensus se fait, sur le potentiel plus que sur les compétences. La priorité est donnée à la capacité d'adaptation, à la flexibilité, à l'ouverture... des éléments que le recruteur a les moyens d'évaluer.
  • Une attention spécifique est à porter aux réalisations du prospect/candidat en parallèle des études ou du métier : applications, projets, activité sur les réseaux. Egalement, à leur présence voire leur participation dans des événements physiques (conférences, notamment).
  • Le cas échéant, notamment pour les profils techniques, le recruteur peut identifier un vivier en mettant les prospects en situation de preuve: coding parties/hackathons ou  tests techniques via le web (pratiqués notamment chez DailyMotion), social games... Des prestataires ont développé des offres spécifiques sur ces approches. Une démarche qui permet de présélectionner des candidats potentiels qui seront ensuite  approchés en direct par le recruteur.
La situation diffère d'entreprise à entreprise. La présence de Céline Gallet et Sylvie Joseph était à ce titre très enrichissante. On parle beaucoup des "pure players", qui sont finalement le cas le plus "simple". Il en va autrement pour les entreprises traditionnelles qui doivent se transformer.
Cette transformation va bien au-delà du marketing, du e-commerce et du CRM, la "digitalisation" transformant tous les processes, de conception, production, et logistique et ouvrant la voie à un renouvellement stratégique de l'offre (cf Facteo pour la Poste, actuellement). La capacité d'intégration des candidats recrutés, confrontés à cette dualité innovation/tradition, est dans ce cas un enjeu majeur.

D'où le choix qui peut être fait d'investir sur des ressources "formées en interne". Pour les amateurs de football, on est en pleine comparaison FC Barcelone/Real Madrid et des approches "Centre de formation" vs "Achat de stars". Plus qu'une question de compétences ou de prix, il s'agit bien d'être au plus près de la stratégie de l'entreprise, de sa culture pour aller au meilleur de sa capacité de transformation. 



Carrière et Management

Parmi les sujets évoqués sur les carrières en Digital: la rémunération et l'évolution.
  • Concernant les rémunérations, les choses sont claires, elle sont élevées. Marché en expansion, technicités élevées, problématiques nouvelles... et nombre insuffisant de candidat. Loi de l'offre et de la demande et "on veut tous les meilleurs" comme le souligne Sylvie Chauvin... Tout ceci a un prix, et pendant encore quelques années, il va falloir ouvrir son porte-monnaie.
  • Sur l'évolution des carrières, les collaborateurs impliqués dans les activités digitales ont des évolutions semble-t-il plus rapides que leurs congénères "traditionnels". Le digital offrant une visibilité qui bénéficie directement à la carrière du collaborateur.
    Je pense surtout que les carrières rapides sont d'autant plus visibles que le career path associé n'existait pas il y a 10 ans, et que bon nombre de profils recrutés en "Digital" sont déjà des hauts potentiels:
    • La transformation Digitale EST stratégique pour l'entreprise. Elle concerne tous les secteurs, tous les métiers. Il s'agit d'engager toute l'organisation dans un renouvellement fortement rentable (par gain de production et nouveau business). 
    • Pour lancer et réussir la transformation Digitale, il est nécessaire de faire appel à des talents qui vont faire preuve d'un très haut niveau d'adaptabilité, d'écoute, d'intelligence, de leadership en plus de leurs compétences business et digitales. On n'est pas dans l'application de mécaniques éprouvées. On va donc aller chercher ceux qu'on pense être les meilleurs.
      On comprend dans ce contexte que des profils digital grimpent très vite dans certaines organisations (cf en ce moment tous les articles sur le career path CDO - CEO)

Sur ce thème de la carrière, il a beaucoup été question des "Digital natives". A nouveau, la présence de Sylvie Joseph a permis un rééquilibrage : en matière de digital, il s'agit surtout de profil psychologique (aptitude à apprendre, curiosité, ouverture, adaptabilité, innovation...) plus qu'une question d'age.
Il était d'ailleurs intéressant de constater que les participants à cette table ronde (ou les fondateurs de leurs entreprises très digitales), pourtant leaders sur leur sujet, n'entraient pas dans la catégorie des Digital Natives. Preuve que le Digital n'est pas qu'une affaire de génération. 

Concernant le management, dans le digital et la culture digitale dans l'entreprise
  • Premier point commun, l'infusion et la diffusion de la culture digitale dans l'entreprise, en commençant par le management. Ce qui n'est pas compris et adopté par le ComEx et le management ne sera pas adopté/déployé dans l'entreprise. Digitaliser le management est une clé du succès. Formations spécifiques, coaching sont effectués. A étendre plus largement dans l'entreprise, bien sûr, en gestion du changement de la transformation digitale.


  • Olivier Fecherolle a souligné l'importance du contexte de l'entreprise, et son attractivité (moyens mis à disposition, notamment, au moins au niveau avec ce que le collaborateur peut utiliser à titre personnel).
  • Les intervenants ont souligné l'importance de la circulation de l'information, d'une forme de transparence à laquelle sont habitués tant les digital natives que les digital experts. Pratique requérant la mise à disposition d'outils favorisant cet échange d'information. Ceci va éventuellement se traduire par une forme de lâcher prise nécessaire dans les entreprises traditionnelles. Nécessaire mais pas toujours facile.
  • Egalement, l'importance de l'autonomie et du test and learn. Puisque les profils recrutés ont du potentiel, leur donner la possibilité de tester leurs propres pistes, de laisser "libre cours" à leur capacité d'innovation. Avec l'éventualité de voir des processes s'améliorer nettement, ou se concrétiser un projet qui deviendra un fort contributeur au chiffre d'affaire, comme c'est arrivé chez DailyMotion, a raconté Emeline Bourgoin.
  • Dans la perspective du manager, il a été souligné la fréquente et nécessaire adaptation de l'organisation, liée à la gestion humaine du cycle d'innovation (business, pratiques et outils en digital) et de l'obsolescence des compétences (on ne peut pas être spécialiste de tout, partout, quand tout est renouvelé, tout le temps...). L'importance d'organiser son équipe, de répartir les expertises entre interne et externe, afin d'être toujours au top des pratiques et de l'efficacité. Une flexibilité qui est un des talents demandés au manager digital.
  • A noter la remarque d'Olivier Fecherolle, et repris par d'autres intervenants: "il serait bon que tout un chacun apprenne à développer", pas tant pour savoir coder que pour comprendre ce qu'il y a derrière le Digital. Dans un contexte drivé par l'innovation technologique (contexte d'offre, plus que de demande), j'adhère totalement à ce point de vue. Digital et technologie sont indissociables. Disposer d'un point de vue technique permet d'être moins vite distancé, de comprendre plus vite, de mieux s'adapter, de mieux utiliser voire d'anticiper.
Que conclure de cette table ronde?

On est au tout début de l'histoire. Les métiers se structurent peu à peu, les chemins de carrière se découvrent, tout repose en fait sur la capacité des employeurs, recruteurs, candidats et collaborateurs à se montrer ouverts et flexibles. Dans ce contexte de changement permanents, avec des enjeux business considérables, les RH digital se construisent et l'adaptation est un atout majeur. De même que l'humilité, ont indiqué plusieurs participants. L'humilité qui est un excellent compagnon de l'ambition et de l'innovation.


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Il était un peu après 19h quand la table ronde a pris fin. Tout le monde avait fini le sachet de bonbons qui avait été donné à l'entrée et s'est dirigé en masse vers le buffet.

lundi 14 janvier 2013

XXI, la presse, l'entreprise et le digital - retour à la vraie valeur, le contenu

Le dernier numéro de la revue XXI est sorti il y a quelques jours. Numéro éponyme pourrait-on dire puisqu'il s'agit du 21ème de la revue créée il y a 5 ans. Pour marquer cet anniversaire et le côté symbolique de ce 21e XXI, les créateurs  ont rédigé un "manifeste pour le journalisme" de 20 pages, proposé sous forme de tiré à part.

Les 15 premières années d'Internet nous avaient fait perdre de vue l'importance du contenu

Il est rare et appréciable de lire un manifeste de ce type. J'y ai été d'autant plus sensible qu'il y a presque 18 ans, je lançais avec Cyril Fiévet le premier magazine français 100% en ligne, Cybersphère. Cybersphère a vécu, s'est arrêté fin 1996, mais il portait en lui les ambitions jointes d'être un "pure player" de l'Internet et de produire du contenu journalistique de qualité. Enquête, analyse, opinion, engagement, éclairage. Cybersphère est sans doute arrivé trop tôt, sur un marché loin d'être mûr, mais je reste convaincu que Cyril et moi étions dans le vrai. Le contenu est à la base et une condition sine qua non du succès digital.

Revenons à la presse et au manifeste de XXI. Depuis 1995, les années ont passé et force est de constater que l'essentiel de la production Internet classée sous l'étiquette "information" et "presse en ligne" comporte force recyclage de dépêches et de photos d'agences, et d'articles courts qui interdisent par leur forme même de creuser réellement un sujet. A cela s'ajoute l'obsession de "l'actualité" qui met l'accent sur l'événement de l'instant, réduit la mise en perspective et ne croise plus les points de vue. Du vite lu, vite oublié. Le lecteur ne lit pas, il machouille rapidement de la data en zappant d'un site à l'autre.

Dans ce contexte, le manifeste de la revue XXI arrive à point nommé, pour trois raisons

  • D'abord, parce qu'une partie de la presse (papier et web) est en train de dévaloriser son propre métier en s'alignant sur le plus petit commun dénominateur et en produisant de la junk news comme d'autres font dans la junk food. C'est d'autant plus dommage que notre monde est chaque jour plus complexe, que les interférences, ingérences, interconnexions y sont toujours plus nombreuses et que nous avons besoin de bons journalistes et d'une bonne presse pour nous aider à y voir plus clair.
  • Ensuite, parce que XXI, comme d'autres en France (le Canard Enchainé ou Fluide Glacial - dans un style bien différent) prouvent que le contenu peut permettre à lui seul de pérenniser un périodique, même sur un support has been comme le papier, dans un contexte de déclin reconnu par tous et sans appel à la publicité - pourtant donnée business model du futur.
  • Enfin et surtout, parce que de manière plus générale la valeur sur Internet s'appelle aussi "contenu". Ce n'est pas pour rien si les modèles publicitaires au pay per view ont vécu et que la performance se mesure à l'engagement des internautes (dont l'abonnement et l'achat, l'inscription à des événements virtuels ou physiques et autres opportunités de collecte de données personnelles). On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Un contenu faible génère une valeur incrémentale faible et nécessite des volumes colossaux pour générer du cash. Or créer un trafic colossal coûte une fortune. Et sans contenu de valeur, il n'y a ni fidélisation, ni bouche à oreille. Pas d'effet réseau. Le cercle est vicieux. Il faut acheter à nouveau le trafic, investir, ré-investir, à perte.

XXI - Revue 21 - Manifeste pour le journalisme - Janvier 2013
Revue XXI - Janvier 2013 - Manifeste pour le journalisme


Le manifeste de XXI a été commenté par Metro (...), Libération, Rue 89... Ces derniers y voient une potentielle querelle entre les Anciens et les Modernes. C'est une lecture qui me parait partisane émanant d'un pure player (Moderne) "pérennisé" (selon ses propres termes) par son rachat fin 2011 par le Nouvel Obs (un Ancien). Rappelons qu'à l'époque, Rue89 était clairement déficitaire. L'enjeu d'une presse de qualité et d'un grand journalisme passe par une autonomie financière et une capacité de développement.
C'et en fait la position que défend XXI, telle que je la comprend :  la valeur du contenu alliée à un produit et une distribution bien étudiés permettent de répondre à l'enjeu de la presse. Qu'on parle de papier, soit-disant agonisant ou de tout autre canal - dont le digital.

L'intérêt de l'argumentation de XXI est de se concentrer sur la valeur du contenu plutôt que sur le média qui le porte. Internet n'est pas une réponse ou un objectif en soi, mais un canal aux multiples formes. Ce n'est pas parce qu'on fait du digital qu'on est dans le vrai. Seul l'adhésion engagée du client final démontre la validité de la stratégie mise en oeuvre. Pour la presse - et de façon plus générale, pour toute présence sur Internet, c'est la valeur réelle du contenu qui est déterminante: originalité, différenciation, pertinence, exploitabilité, densité...

A l'heure ou le nombre de sites, de blogs, de forums, de présences "sociales" croit multi-exponentiellement, le contenu prend de plus en plus de valeur. L'essentiel de l'information qui circule sur ces canaux est le repointage vers une autre source - qui elle-même repointe ailleurs. Etre la source de l'information, fiable, reconnue, légitime est une clé du succès.

La stratégie du contenu est le chemin critique pour toute présence en ligne

Dans le e-Commerce, Amazon a ouvert la voie il y a bien longtemps avec une forme d'éditorialisation de son catalogue extrêmement intelligente et riche. Et l'entreprise reste malgré son "grand age" (créée par Jeff Bezos en juillet 1994) la référence du secteur. A contrario, la FNAC qui fut célèbre pour ses dossiers techniques et qui était perçue par ses clients comme un centre d'expertise n'a pas su capitaliser sur ce savoir-faire et l'étendre sur Internet. Elle s'est laissé doubler par de multiples sites et blogs spécialisés en "reviews" et qui ont eux misé sur le contenu. La FNAC.com aurait certainement pu aller plus tôt sur ce créneau et intégrer dans son giron digital cette valeur si importante aux yeux de son coeur de clientèle.

Mediapart indiquait être bénéficiaire (11.6% de rentabilité) en 2011 et 2012, sur la seule ressource de ses abonnements. Tant mieux. C'est donc possible.
A l'inverse, les difficultés des portails comme MSN ou Yahoo, dont les contenus ne sont en rien différenciants, montrent à quel point la seule agrégation de contenus tiers est insuffisante. D'autant que le coût d'acquisition de ces contenus est encore plus élevé si les sources sont de qualité. La spirale est infernale.

On peut étendre le raisonnement à toute présence sur Internet. La clé n'est pas le volume, mais le retour par visiteur. Si le retour par visiteur/client est important, c'est que la valeur perçue est importante. Tout devient alors possible car le visiteur/client sera disposé à s'engager plus avant, promouvoir spontanément le contenu et l'offre (avec un mode d'incentive adéquat, très probablement non financier ni vénal). Toute acquisition de "trafic" sera également plus facilement rentabilisée. de spirale infernale, on passe au cercle vertueux.

Pour une entreprise, le contenu vient d'abord de son savoir-faire

A chaque entreprise de déterminer quelle valeur de contenu spécifique, pertinente et légitime elle peut apporter. Par elle-même, en s'appuyant sur sa communauté de clients et utilisateurs... C'est un travail complexe, qui requiert de se reposer les bonnes questions :
  • Quoi et pour qui - pour se recentrer sur ce qui constitue ses points les plus forts et les mieux reconnus par ses clients et ses cibles réalistes
  • Comment - pour déterminer sur quels canaux les plus pertinents étendre cette valeur pour se connecter à ses utilisateurs, clients et prospects
  • Pour quoi - pour définir un mode opératoire efficace et pérenne, qui associe valeur de contenu et rentabilité de chaque canal mis en place. Cette rentabilité dépendant évidemment du business model (vente, acquisition de données, intermédiation/transfert de lead...)


Cette réactualisation de la valeur du contenu est une excellente chose pour toutes les entreprises

Il ne s'agit pas de mode. Il ne s'agit pas de course au buzz et d'impératif du dernier arrivant ("est-ce que je dois aller sur Pinterest?", "on est en 2013 et je ne suis toujours pas sur Twitter..."). Il s'agit simplement de revenir et rester sur les fondamentaux. Ce que les clients achètent et ce dont ils parlent, c'est le contenu. La forme, la "multi-canalisation" viendront après, bien plus facilement et bien plus efficacement.

Le retour du contenu est donc une excellente chose. C'est l'opportunité pour chaque entreprise de mettre en avant son talent, son service, ses produits avec la certitude que c'est ce que recherchent désormais en priorité les visiteurs et clients internautes.

A vous de jouer !
La valeur n'attend pas le nombre des octets :-)

fr.linkedin.com/in/jeanchristophethomas

jeudi 13 décembre 2012

Réflexion sur le temps - le numérique et l'entreprise

J'ai beaucoup aimé l'article d'Olivier Ezratty sur le numérique et la distorsion du temps; une réflexion qu'il a écrite suite au TEDx salon sur la Maîtrise du temps en novembre.
Il y souligne bon nombre de points auxquels on ne peut que souscrire, liés notamment à l'instantanéité alliée à la quantité dans les nouvelles capacités d'accès aux informations:
  • immédiateté de la relation (attachement quasi compulsif à la messagerie),
  • facilitation et accélération de nos moyens de choix qui nous rendent plus exigeants et impatients (moteurs de recherche, comparateurs, avis, etc. riches d'infos accessibles instantanément),
  • quantification du temps comme critère principal de décision (itinéraires les plus rapides, pas forcément les plus intéressants ou les plus agréables),
  • impact communautaire "instantané" (réseaux sociaux, qu'il s'agisse des flashmob, des "pigeons", ou d'actions politiques),
  • raccourcissement du temps consacré par les utilisateurs aux contenus présents sur les medias numeriques (articles ultra courts, videos de 3 minutes)
J'y ajouterai un point qui concerne plus particulièrement l'entreprise. L'utilisation des canaux numériques y a augmenté considérablement l'importance du temps court. Transmettre l'information (ordre, réponse, transfert) via ses e-mails ou sa messagerie instantanée est une occupation à part entière au détriment parfois -et quelque fois souvent - de la production de valeur. Comme le disait un ancien collègue, "avant, je ne savais pas que faire du mail c'était travailler".

Cette manie du temps court peut devenir un travers de management, en provoquant des ruptures permanentes dans le temps des collaborateurs, en accroissant la pression ressentie et en limitant la capacité des équipes à travailler sur les actions pérennes - activité qui requiert un temps long. Pour le manager, le numérique peut augmenter l'exigence sur l'immédiateté ("je suis en meeting avec le CEO, j'ai besoin des chiffres sur xxx; c'est urgent") dans des situations où cette imédiateté n'est pas forcément légitime. Et le cercle est bien évidemment vicieux. Pour le collaborateur, répondre à l'exigence immédiate devient souvent une urgence prioritaire (souci d'être bien vu, absence de discernement par manque de contexte, occasion de procrastination, parfois). A l'inverse, l'appel à l'instantanéité, à bon escient, est un formidable outil qui peut décupler l'efficacité et la rapidité de l'action. Les exemples ne manquent pas de réunions de crise montées en quelques instants, associant présence physique, video-conférence, téléphone, et permettant une prise de décision efficace au moment opportun.
Il incombe donc au manager d'établir et maintenir pour lui et ses équipes une modération dans la gestion de l'information et de la communication permettant d'équilibrer efficacement le temps long et les temps court, les priorités, les urgences et la préparation du futur.

Autre risque, une perte de qualité dans le knowledge management. Dès lors que l'information se transmet par email d'un simple clic, gérer proprement l'information (organisation, formalisation, stockage, diffusion/partage) disparait peu à peu. Les données et dossiers sont dans les disques durs, disponibles à la demande - par messagerie - auprès de celui qui les a produites. Et communiquer 20 fois des informations par messagerie semble plus simple et plus rapide que bâtir un sharepoint propre et bien administré dont on communiquera l'adresse. Sur les temps courts, la perte est peu visible; on connait en général l'identité ou la fonction des détenteurs de l'information. Chat, email et téléphone font le reste. Sur le temps long, c'est une autre paire de manche. Récupérer des chiffres sur 3 ans devient complexe voire impossible. L'information n'est pas forcément disponible et rarement structurée, les détenteurs ont peut-être changé de fonction ou quitté l'entreprise. Là aussi, le manager a un rôle clé. Structurer le KM est fondamental. pour l'efficacité à court terme, pour la pérennité de l'activité dans les transitions d'équipe et de projets, et pour disposer d'une perspective "historique" nécessaire pour bâtir le long terme. Une évidence, se dit-on. C'est exact. Il n'en reste pas moins que la structuration du KM est souvent gérée comme un temps court, du fait de la relative simplicité des outils disponibles (la création d'un sharepoint peut être très rapide). Le suivi dans le temps long n'est pas toujours en place; les sharepoints se multiplient, meurent, sont recréés, dupliqués, difficilement trouvables (où est le sharepoint qui donne la liste des sharepoint?). Au final, on a amélioré la situation à court terme (sur une année), mais le temps long est encore oublié. Au manager de jouer son rôle de bâtisseur dans le temps et de garantir la pérennité, l'accès et la diffusion d'information structurées pour ses équipes et le reste de l'organisation. On ne sait où on peut aller que si on sait d'où on vient.

Gardons en mémoire que certains temps non numériques sont extrêmement utiles et valent toutes les messageries du monde. La pause café ne cesse de faire ses preuves et la machine à café est un des meilleurs réseaux sociaux d'entreprise. Prenons le temps de perdre un peu de temps. Ca crée et consolide les relations, ça favorise la créativité et ça joue un rôle très positif dans la prévention et la résolution des conflits.

Bon, je vous laisse. Je crois qu'il est temps :)


Photo credit: seriykotik1970/ Foter / CC BY-NC